L'épistolarité dans les liaisons dangereuses
Le XVIIIe siècle, appelé aussi « siècle des Lumières », voit l’apogée d’un système de valeurs et de pensées basé sur la réflexion, la rationalité, l’égalité et la liberté individuelle. À cette époque, l’homme cherche à analyser et comprendre les phénomènes qui l’entourent, du côté scientifique comme du côté social et psychologique, et à concilier morale et bonheur terrestre. On favorise grandement l’éducation et l’apprentissage par soi-même. Les ouvrages scientifiques et philosophiques sont donc les plus prisés tandis que le genre romanesque, à cause de son invraisemblance, est de manière générale délaissé. Cependant, parallèlement à cette exploration de l’univers par le biais de la raison se développe une autre forme de découverte plus personnelle, basée sur la sensibilité. En littérature, cela se traduit surtout par l’avènement des romans-mémoires et des romans épistolaires, deux formes littéraires où priment le « je » et les expériences personnelles, tout en donnant l’illusion du vrai. Si ces formes ont acquis une telle popularité à cette époque, sans compter l’attrait de la nouveauté du style, c’est surtout parce qu’elles servent particulièrement bien l’auteur pour y conter une histoire sans pour autant paraître inventer, et aussi parce qu’elles représentent bien les valeurs des Lumières. Un des meilleurs exemples de romans épistolaires est sans conteste Les Liaisons dangereuses de Choderlos de Laclos, qui connut un immense succès à l’époque entre autres à cause de l’exploitation des lettres qui le constituent, lettres qui apportent leur lot de bénéfices à l’œuvre. En effet, la forme épistolaire y ajoute une dimension plus complexe, réelle et profonde que le roman ne pourrait le faire, en passant de la fiction pure et simple à une troublante illusion du réel; les lettres permettent également d’instaurer suspense et ambiguïté, et le contraste qui existe entre les différents registres