L Aventure Analyse
1. Une cariatide vêtue d'une longue robe plissée se trouve miraculeusement libérée du fronton grec qu'elle soutenait jusqu'à présent et qui la surplombe, mais sans nécessairement donner l'impression qu'il va l'écraser. Elle avance timidement une jambe, l'avant-bras gauche replié devant ses yeux, dans un geste qui peut traduire l'appréhension autant que l'éblouissement devant une lumière trop vive. Derrière elle, un immense paysage désert l'attend. L'atmosphère est irréelle, le temps, tout comme le fronton, semble suspendu.
Ce dessin de 1937 est intitulé « L'Aventure » (1), et ce titre ne pose aucun problème d'interprétation : délivrée de la charge de soutien statique qui lui incombait, la cariatide va effectivement devoir s'inventer un nouveau destin.
Reste à tenter de comprendre ce qui a pu pousser Man Ray à dessiner une telle scène allégorique, et d'abord à se demander qui peut bien être pour lui cette cariatide qui prend un nouveau départ. 2. Si l'on tient compte de l'architecture antique du dessin et du choix d'une statue emblématique de la Grèce classique, on peut d'emblée supposer que Man Ray pense à Lee Miller, qui fut à partir de 1929 sa muse et sa maîtresse, et qui l'abandonna en octobre 1932 pour voler de ses propres ailes, fatiguée de subir la passion exclusive d'un homme qui ne la voulait que pour lui, abusant de son rôle de Pygmalion et supportant fort peu que d'autres donnent à Lee une chance de s'épanouir par elle-même.
Cocteau - Le sang d'un poète
1930
Man Ray - Dix rayonnements
1931
Man Ray - Vénus restaurée
1936/1971
Man Ray - Vénus
1937
Cela avait été le cas en 1930, lorsque Jean Cocteau avait pensé à Lee pour jouer le rôle de la Muse, une statue antique qui s'animait dans Le Sang d'un poète. L'acceptation de ce rôle avait déclenché une grave crise de jalousie chez Man Ray, et cela d'autant plus que Cocteau était la bête noire des surréalistes : la participation de Lee à une entreprise artistique qu'ils