m'en fou c'est juste pour une dissert
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Qui ne connaît Lorenzaccio ? Qui n'en a une représentation, ne serait-ce qu'à travers l'image de Gérard Philipe ? Pourtant, ce « classique » du romantisme français aura été pendant près de deux tiers de siècle ignoré puis, pendant un demi-siècle encore, massacré. Alfred de Musset (1810-1857) l'a écrit en 1834, à 24 ans – un an après la création de Lucrèce Borgia, de Victor Hugo. Jeune lion de la littérature pour qui le théâtre prime sur toute autre forme, il a été échaudé quatre ans plus tôt par l'échec de sa première pièce La Nuit vénitienne (1830) – l'année de la bataille d'Hernani. Désormais, si Musset continue à écrire, ce n'est plus pour la scène étriquée du XIXe siècle bourgeois. Significativement, le recueil où l'œuvre trouve place s'intitule Un spectacle dans un fauteuil. Libéré des contraintes de la représentation, l'écrivain peut laisser galoper sans frein son imagination. C'est dans ce cadre que s'inscrit Lorenzaccio, une « pièce de théâtre » comme il la désigne sobrement, dont la matière lui a été fournie par l'histoire – l'assassinat d'Alexandre, duc de Florence, par son cousin Laurent de Médicis – et par un drame sur ce thème que lui a abandonné George Sand, « Une conspiration en 1537 ». Mais Musset ne s'en tient pas à ses modèles. Il signe une œuvre personnelle et démesurée – trente-neuf tableaux, une centaine de rôles, six à sept heures de représentation... Il ne verra jamais Lorenzaccio représenté de son vivant. Six ans après sa mort, en 1857, deux tentatives de son frère Paul pour faire jouer la pièce se soldent par un échec. Il faut attendre 1896 pour que Lorenzaccio, mis en scène par Armand Artois qui ampute le texte du dernier acte, puisse voir le jour. Dans le rôle-titre, l'immense comédienne Sarah Bernhardt, qui instaure, du même coup, la tradition de faire interpréter Lorenzaccio par des femmes – de Falconetti en 1927 à Marguerite Jamois, dirigée par Gaston Baty, en 1945. Ce