2002h 1
CNRS - Université Lyon 2 plantin@univ-lyon2.fr La construction de l'évidence dans le Traité sur la tolérance
L'évidence ne nécessite pas de preuve, l'esprit la reçoit tel que les sens et le bon sens la lui donnent : Calas est innocent, les opinions sont ridicules mais il y a des erreurs nécessaires, les peuples sont unanimes, l'histoire offre des leçons clairement intelligibles, la tolérance est nécessaire, quelques Jésuites sont odieux, le progrès est en marche, le souverain sera sensible à ses intérêts convenablement éclairés, écoutons la loi naturelle, le monde est régi par une puissance suprême — et tous les juges d'une voix unanime déclarent la famille innocente. L'évidence efface ainsi le travail de construction rhétorique qui l'a produite et qui la maintient, parfois sur le fil du rasoir. Pour exposer ce quasi-paradoxe, la proposition de lecture qui suit cherche à caractériser quelques tendances de l'argumentation dans le Traité1. Des données bien connues sur les grands genres rhétoriques-argumentatifs traditionnels serviront de guide, ainsi qu'une vision de l'argumentation fondée sur l'idée de confrontation discursive, discours contre discours2.
Nous nous intéresserons d'abord à la relation particulière entre le type d'action langagière dont relève l'ouvrage et l'image qu'il donne de cette activité, son énonciation et l'image discursive de cette énonciation : on peut montrer que ce texte suprêmement polémique propose du débat polémique, comme de tout débat, une vision extrêmement négative et dévalorisée, comme en témoigne l'usage de termes comme controverse, dispute ou opinion. On a là une forme d'auto-dénégation de la rhétorique argumentative au service de l'effet de vérité.
En second lieu, nous examinerons l'argumentation, a priori de type judiciaire, qui encadre le Traité (chapitres 1 et 2 ; chapitre 25 (première partie) ainsi que l'Article nouvellement ajouté…) : plaidoyer sans opposant possible, donc discours de l'histoire où seule la