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L’enfant et l’adolescente chez les romancières « beures »
Anne Marie Miraglia, Université de Waterloo
Dans la fiction, comme dans la vie, tout jeune protagoniste bénéficie d’une liberté de paroles qui se réduit, voire s’estompe au fur et à mesure qu’il ou elle murit, prend conscience des contraintes sociales et apprend l’importance de l’autocensure. Ce sont les filles qui traditionnellement sont assujetties bien plus tôt et bien plus souvent que les garçons aux règles sociales déterminant leur comportement et leur droit à la parole. Or, la liberté d’expression dont jouissent les enfants, fournit aux romanciers et romancières français d’origines maghrébines une stratégie narrative leur permettant d’aborder, surtout dans leurs premières œuvres, des questions délicates telles le racisme, le sexisme, l’exclusion, l’intégration et d’autres problèmes concernant l’identité. Le traitement de ces difficultés sociétales se fait fréquemment sous le mode dramatique et même ironique d’après Michel Laronde qui qualifie l’ironie comme « la stratégie rhétorique d’élection » chez plusieurs écrivains dits « beurs » (« Stratégies », 32) La prise en charge du récit par un narrateur enfant ou adolescent facilite la juxtaposition d’éléments à la fois dramatiques et comiques provenant des malentendus et des mésaventures qui jalonnent son parcours vers la maturité.
Dans cette étude, nous nous proposons de revenir sur certaines caractéristiques bien connues de l’écriture « beure » afin de nous pencher sur quelques romans publiés par des Françaises d’origines maghrébines ayant adopté une narratrice enfant ou adolescente pour faire le récit de leur histoire. De plus en plus de ces romancières trouvent dans l’emploi d’une narratrice enfant ou adolescente un outil tout approprié pour dénoncer, parfois avec humour, les injustices, les humiliations et le tiraillement culturel au cœur des conflits identitaires éprouvés par les enfants d’immigrés maghrébins en