Abus de droit
Les dirigeants d’une entreprise sont à la fois maîtres et responsables de sa gestion. Ce principe de liberté de gestion de l’entreprise a été affirmé de façon constante par le juge[1]. Il en résulte un corollaire, le principe de non-immixtion de l’Administration dans la gestion de l’entreprise, qui implique qu’elle ne peut porter de jugement sur la qualité ou les résultats de la gestion de l’entreprise et lui reprocher un comportement trop audacieux ou trop prudent. Il s’agit donc d’un contrôle de régularité, non d’opportunité. Si l’Administration « n’est pas un contrôleur de gestion » [2], elle ne va pas pour autant se contenter de laisser s’évaporer la matière imposable du fait d’une gestion fantaisiste du contribuable. Afin de permettre à celle-ci de procéder à la reconstitution d’une base imposable indûment minorée, le juge a borné la liberté de gestion par la théorie de l’acte anormal de gestion, construction prétorienne illustrant particulièrement les pouvoirs exorbitants du fisc.Tandis qu’une décision de gestion relève de la sphère comptable, un acte de gestion a trait à la vie et au management de l’entreprise (conditions dans lesquelles elle contracte, modalités de rémunération des dirigeants). Ce type d’acte, présumé être effectué dans l’intérêt de l’entreprise, peut parfois y être contraire. En raison de son caractère anormal, un tel acte sera justement rectifié par l’Administration.En fait, comme l’écrit Pierre-François Racine, l’acte anormal de gestion résulte d’une transplantation en droit fiscal du « concept commercial d’acte non conforme à l’intérêt social » [3]. Mais alors que le juge judiciaire assure une « police des sociétés » via l’intérêt social, deux différences significatives existent