Chapitre 1 l'art de la communication
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Chapitre 1
Les sophistes et l’art de la parole
Pierre Navarro
Il y a, dans l’histoire de la pensée, de mauvaises fréquentations qu’il est conseillé d’éviter soigneusement. Au premier rang se trouvent les sophistes. Professeurs nomades voyageant à travers la Grèce du cinquième siècle avant notre ère, les sophistes firent de l’art de bien parler sur n’importe quel sujet un métier.
À l’heure …afficher plus de contenu…
Ils ont pris la place des poètes et des rhapsodes qui étaient auparavant les maîtres universels ». Les sophistes condensent en effet de nombreux traits de la réforme culturelle qui agite la Grèce au siècle de Périclès. Leur pragmatisme se ferait l’écho de l’essor d’une rationalité pratique érigeant l’efficacité au rang de critère de vérité.
C’est ainsi que la médecine naissante s’émancipe d’une conception magique qui attribue au devin le pouvoir de soigner le malade à l’aide de formules et de rites, au profit d’un savoir pratique fondé sur la réussite d’un diagnostic et d’un traite- ment élaborés au cours d’une enquête. De même, le relativisme des sophistes, …afficher plus de contenu…
Le mythe de Prométhée raconté par Protagoras dans le dialogue éponyme de Platon ne mentionne-t-il pas l’idée d’une égale distribution chez tous les hommes d’une vertu ou compétence politique, d’un « naturel démocratique » qu’il reviendrait au sophiste de développer par son enseignement ? C’est, au fond, la communauté qui serait mesure de toutes choses, suggérant un primat de la parole collective dans l’élaboration de vérités multiples et contextuelles.
Discours fort et discours faible
C’est à partir de cette dimension politique de l’homme-mesure que peut s’inter- préter la distinction opérée par Protagoras entre « discours fort » et « discours faible ». On comprend traditionnellement cette distinction de manière