Commentaire d'un texte de Rousseau
Introduction - Dans ce texte, Rousseau entend montrer que la pitié, « sentiment naturel », est « la cause de la répugnance que tout homme éprouverait à mal faire » et, par là même, l'origine de la moralité. Autrement dit, ce qui fait de l'homme un être moral, ce ne sont pas les « maximes de l'éducation », mais un sentiment qui parle au cœur de chacun (fût-il « sauvage ») et qui l'incite à ne pas considérer ses seuls intérêts personnels, mais à faire son propre bien en faisant à autrui le moins de mal possible. Par la pitié, en effet, je me mets à la place de l'autre, qui est lui aussi un être sensible capable de plaisir et de peine : la souffrance qu'il éprouve, j'en connais le sens puisque je suis moi aussi capable de l'endurer.
La pitié est donc la cause unique de cinq effets, qui sans elle demeureraient inexplicables : « c'est elle » qui nous rend capables de compassion ; « c'est elle » qui, en l'absence de lois positives, vient limiter nos désirs égoïstes ; « c'est elle » qui nous incite, non à préférer le bien d'autrui au nôtre, mais à ne pas préférer absolument le nôtre au sien, en cherchant autant qu'il est possible à ne pas le léser dans notre quête légitime de satisfaction. C'est elle enfin, et voilà qui résume tout le reste, qui fonde cette morale naturelle indépendante des cultures, des époques ou de l'éducation. Par la pitié donc, sentiment inné qui est une tendance naturelle de l'homme, chacun est amené à s'identifier à autrui souffrant : avoir pitié, c'est souffrir de voir l'autre souffrir. Tout naturellement, la peine des autres n'est pas la source d'une joie mauvaise, bien au contraire ; et voilà qui suffit à expliquer qu'à l'état de nature, l'homme n'est pas animé seulement par la recherche égoïste de sa satisfaction.
Rousseau conteste par là les anthropologies (celle de Hobbes, notamment) qui supposent que l'homme est naturellement avide et assoiffé de pouvoir. La nature humaine, au contraire, se caractérise par une