Dandysme
La poétique du dandy : du non-dit à l’indicible
Gilbert Pham-Thanh
1. Le caractère « étranger » dandyesque trouve son origine dans une différence radicale nourrie par une volonté de creuser les écarts, elles mêmes relayées par le souci de la communauté de protéger sa cohésion. 2. Le dandy est cette nouvelle figure masculine qui s’épanouit sur la scène britannique mondaine du 19e siècle. Sa dimension pittoresque autant que sa présence récurrente dans les endroits à la mode l’inscrivent rapidement comme centre d’intérêt incontournable et le désignent en tant que candidat au statut de personnage romanesque, que ce soit dans les Silver Fork Novels ou dans une littérature qui s’édite encore (voir Mrs Catherine Gore, Maria Edgeworth, Lady Blessington et autres Bulwer-Lytton, les poèmes de Byron, le théâtre de Wilde, les romans de Max Beerbohm, de Benjamin Disraeli, ou même de Jane Austen…). 3. En raison des traditions littéraires passées, l’écrivain met en place un dispositif où le dandy ne peut se lire que comme structure superposée sur celle du héros masculin traditionnel, qui pourrait se laisser rassembler sous l’étiquette commode, bien que problématique, de gentleman. Dans ce cadre, le dandy est massivement disqualifié. 4. Le dandy en vient à cristalliser un souci de « porter beau », de s’engouffrer dans la sphère superficielle du costume, en suivant de la façon la plus sotte les dernières modes, faisant de l’absence de pensée un titre d’orgueil. La structure creuse du vocable s’emplit rapidement des qualifications les plus péjoratives : le non-dit du texte exprime de façon univoque l’insuffisance / les insuffisances du dandy. 5. L’énonciation tend à se saturer, afin de rendre difficile l’expression d’une interprétation alternative positive de l’objet de la description : c’est tout un discours sur la nature de l’expérience de l’homme en société qui est censuré. En outre, cette description hégémonique est idéologiquement chargée ; elle détermine l’objet