Dans quelles mesures la science doit-elle prendre en compte le probable?
Pour l’opinion commune, la science est le « royaume de la nécessité » (A. Barberousse). Elle est censée produire une connaissance scientifique, au sens de poser des certitudes. Deux raisons motivent cette conception du discours scientifique. Premièrement Aristote, qui nous dit qu’il n’y a de science que du général, et donc qu’il faut chercher à attribuer à la nature ce qui se produit le plus souvent (hôs epi to polu) et au hasard le « n’importe quoi » ; le critère de fréquence révèle ainsi une différence de nature entre ce qui est objet de science (de connaissance) et ce qui est inconnaissable, et donc négligeable. Et deuxièmement, la conception qui assimile le discours scientifique au discours mathématique : celle-là procédant par démonstration et par enchaînements logiques qui ne laissent place à aucune incertitude. C’est à cette définition du discours scientifique que nous nous attaquerons ici en cherchant la juste place de l’incertitude dans la recherche scientifique, comment la science peut s’appuyer sur le probable pour élaborer une connaissance, pour construire du vraisemblable sur de l’incertain. Nous verrons d’abord comment la science explique le monde, puis s’il est légitime d’appliquer la théorie mathématique des probabilités aux divers domaines des phénomènes, et enfin nous verrons les limites des probabilités comme limites de la science qui grâce à elles peut produire une connaissance « vraie », à défaut de certaine.
Pour l’homme de science, la connaissance ne peut être qu’approchée. En effet, la science ne fait que représenter des phénomènes réels : la représentation scientifique d’un objet ne dit jamais tout de la réalité de celui-ci, mais il en dit quelque chose. Elle dit quelque chose de la réalité de l’objet, mais non toute sa réalité ; elle implique donc, fût-ce à titre potentiel, la fausseté en même temps que la vérité. Ainsi, la connaissance approchée, la