De l'esclavage, du contrat social, rousseau
Quand chacun pourroit s' aliéner lui-même, il ne peut aliéner ses enfans ; ils naissent hommes et libres ; leur liberté leur appartient, nul n' a le droit d' en disposer qu' eux. Avant qu' ils soient en âge de raison, le père peut, en leur nom stipuler des conditions pour leur conservation, pour leur bien-être ; mais non les donner irrévocablement et sans condition ; car un tel don est contraire aux fins de la nature, et passe les droits de la paternité. Il faudroit donc, pour qu' un gouvernement arbitraire fût légitime, qu' à chaque génération le peuple fût le maître de l' admettre ou de le rejeter : mais alors ce gouvernement ne seroit plus arbitraire.
Renoncer à sa liberté c' est renoncer à sa qualité d' homme, aux droits de l' humanité, même à ses devoirs.
Il n' y a nul dédommagement possible pour quiconque renonce à tout. Une telle renonciation est incompatible avec la nature de l' homme ; et c' est ôter toute moralité à ses actions que d' ôter toute liberté à sa volonté.
Enfin c' est une convention vaine et contradictoire de stipuler d' une part une autorité absolue et de l' autre une obéissance sans bornes. N' est-il pas clair qu' on est engagé à rien envers celui dont on a droit de tout exiger, et cette seule condition, sans équivalent, sans échange, n' entraîne-t-elle pas la nullité de l' acte ? Car, quel droit mon esclave auroit-il contre moi, puisque tout ce qu' il a m' appartient et que, son droit étant le mien, ce droit de moi contre moi-même est un mot qui n' a aucun sens