Definir et mesurer l’incivilite
J’appelle " incivilités " les ruptures de l’ordre dans la vie de tous les jours, ce que les acteurs ordinaires considèrent comme la loi et non pas ce que les institutions qualifient d’ordre ( les infractions). Notons en vrac leurs incarnations : les dégradations de boîtes aux lettres, les odeurs d’urine dans les cages d’escalier, les bruits, les vitres brisées, les groupes de jeunes impolis et parfois agressifs assemblés au pied des immeubles. L'ordre en public se loge dans le respect des civilités (politesse, déférence, respect d'autrui), dans la négociation des entrées en relation avec autrui, bref, dans l'affichage du caractère pacifique de la personne. Dans la civilité se jouent les droits et les devoirs concrets de l'individu. Avec les incivilités, c'est le lien qui réunit les membres d'un ensemble qui se trouve questionné. Qu'est-ce qui nous lie ? Comment, pratiquement et quotidiennement, entrons-nous en contact? Qu'avons-nous à faire ensemble? En quoi nous ressemblons-nous ? Bref, sommes-nous quelque chose comme une collectivité ou une communauté ?
Source : la société incivile, S. ROCHE (1996)
Document 2 : Incivilité et délinquance.
Les incivilités n’ont pas de définition juridique précise. Il s’agit d’une notion sociologique avant tout, qui renvoie aux perceptions et aux représentations des gens.
Essayons de situer les désordres par rapport à la délinquance. Les incivilités ont des incarnations très anodines, tout du moins en apparence et à court terme, comme par exemple le défaut de politesse, voire l’agressivité verbale, ou encore le manque de propreté et le bruit. Ce sont des choses qui dérangent et inquiètent. Pour autant, on ne peut pas dire à tous les coups que les incivilités soient des délits, et encore moins des crimes. Hors la morale toujours, hors la loi quelquefois.
Les incivilités ne sont pas réductibles à la délinquance, tout en lui étant liées. Pensons aux vols par exemple, et aux vols