Dans la tradition morale, les passions sont les appétits liés au corps ou au psychisme qui nous font souffrir et nous mettent généralement dans des états excessifs, douloureux ou indignes. Depuis toujours, l’homme est censé les dominer voir les supprimer, pour ne vivre que de l’esprit et de la volonté, qui serait la partie haute de l’homme lui permettant d’accéder à la vérité et au bonheur de la paix intérieure. Cette vision très stoïcienne de l’homme a dominé le siècle classique, non seulement parmi les moralistes religieux, mais également parmi les chantres de la morale de l’honnête homme, l’homme de la mesure. On peut dire que ce texte d’Emilie du Châtelet, tiré du Discours sur le Bonheur, paru un siècle plus tard, en 1779, se démarque singulièrement de cette tradition multiséculaire qui consiste à dénigrer la passion, à n’y voir que malheur et disgrâce pour l’homme. Cette femme fut l’une des rares femmes intellectuelles du mouvement des Lumières. Elle ne fut pas seulement la maitresse de Voltaire, mais également une mathématicienne reconnue et. Traductrice des travaux de Newton, elle fut à ses heures philosophe ou moraliste comme l’atteste son œuvre sur le bonheur. Dans ce court extrait, Mme du Chatelet affirme et défend sa position radicale sur la question des passions. Nous étudierons la démarche didactique, à la fois polémique et persuasive employée par Mme du Chatelet dans son apologie des passions. Tout d’abord, nous observerons en quoi sa réflexion sur le bonheur appartient au genre de l’essai c’est-à-dire de l’argumentation directe, puis en quoi son raisonnement se base sur une démarche critique. Enfin, nous étudierons le bonheur épicurien prôné par Mme du Châtelet.

Tout d’abord, dans cette première partie, nous allons étudier en quoi cette réflexion sur le bonheur ressortit du genre de l’essai, c’est-à-dire de l’argumentation directe. Nous étudierons donc pour justifier cette observation l’énonciation ancrée et universelle employé