Dissretation, commentaire, resumé et philosophie
Les Regrets (1558), sonnet XII
Vu le soin1 ménager2 dont travaillé3 je suis,
Vu l’importun souci qui sans fin me tourmente,
Et vu tant de regrets desquels je me lamente,
Tu t’ébahis souvent comment chanter je puis.
Je ne chante, Magny, je pleure mes ennuisa,
Ou, pour le dire mieux, en pleurant je les chanteb ;
Si bien qu’en les chantant, souvent je les enchante :
Voilà pourquoi, Magny, je chante jours et nuits.
Ainsi chante l’ouvrier4 en faisant son ouvrage4,
Ainsi le laboureur faisant son labourage,
Ainsi le pèlerin regrettant sa maison,
Ainsi l’aventurier en songeant à sa dame,
Ainsi le marinier en tirant à la rame,
Ainsi le prisonnier maudissant sa prison.
1 Soin : synonyme de « souci ».
2 Ménager : concerne l’intendance, l’économie, la gestion de la vie quotidienne, fait référence à la profession de du Bellay.
3 Cf. étymologie : du latin médiéval trepalium, « instrument de torture ».
4 Ouvrier et ouvrage ont le même étymon (= « mot attesté ou reconstitué qui sert de base à l’étymologie d’un terme donné. » TLFi) a Asyndète. Sens : je ne chante pas, mais je pleure mes ennuis. b Épanorthose (= définition par rectification).
Pour le commentaire…
Le recueil des Regrets a été écrit à Rome de 1553 à 1557. Du Bellay y était intendant auprès de son oncle. Les Regrets ont été publiés en 1558 à Paris. Ce poème élégiaque est adressé à son ami Olivier de Magny (qui est aussi le dédicataireLe recueil lui a été dédié. du recueil) qui séjourna aussi à Rome de 1555 à 1556. Ce dernier a publié Les Soupirs à Paris. Les thèmes des poèmes du recueil sont l’exil, la satire (déception du poète par rapport à Rome) et le recueil contient aussi des poèmes d’éloges (on parle de poésie encomiastique) d’amis restés en France, de protecteurs. Ce sonnet peut être commenté comme un art poétique : d’abord du Bellay énonce des principes poétiques (quatrains), puis il les met en œuvre (tercets). Le sonnet concerne un lieu commun de la poésie