2) L’hypothèse d’un récit composé « après coup »
On pourrait aussi admettre que le récit est entièrement composé par Meursault dans sa cellule après le verdict et cette hypothèse serait d’ailleurs plus cohérente que celle du journal. Meursault revivrait alors son passé au point de reconstruire chacune des journées importantes qui ont amené et suivi son drame comme si elle lui était contemporaine. Les écarts de style s’expliqueraient alors aisément par la double perspective où est placé Meursault (présent réel/passé imaginaire). On remarquera aussi l’immense différence de style qui sépare le début du roman et la fin (et qui correspond à une véritable métamorphose, en tout cas à une prise de conscience.
On constate tout au long du roman un style simple, des phrases courtes, qui nous fait croire que l’art du roman est accessible à tous. Pourtant, dans le dernier chapitre, on remarque un grand changement de style, notamment l’utilisation d’une syntaxe élaborée, de métaphores, de comparaisons, les phrases sont amples.
Tant qu’il était libre, Meursault avait montré une étonnante passivité devant les êtres et les choses. Il n’avait pas le moindre gout pour l’aventure, le dépaysement : son seul univers était celui de son bureau, de son quartier, du port et de la plage quand il s’y trouvait invité. Ses journées se ressemblaient toutes, c’était la routine quotidienne. Ses amis étaient ses voisins de palier, son collègue de bureau et son restaurateur. L’enterrement de sa mère nous a permis à nous, les lecteurs, de le voir échapper à la routine