Du bellay les regrets
Toute problématique devant être une problématique littéraire, nous aurons pour but de montrer comment l'expression des formes de l'exil, par un jeu systématique de ruptures et d'antithèses, permet au poète de fonder, outre une nouvelle morale, un nouveau mode d'écriture.
I : Un poème structuré selon des lignes de faille
Le sonnet est sillonné par des lignes très violentes de démarcation qui opposent autant les protagonistes que les lieux. Seul le temps est commun: "cependant que tu dis... je me pourmène seul".
* Le jeu des diathèses verbales fait apparaître une opposition entre les 1° et 2° personnes de la communication: un "tu" défini par son entourage (la Cour) et ses valeurs ( un certain type d'écriture, à la fois d'ordre amoureux -influence pétrarquiste- et d'ordre épique -l'héroïsme de la Franciade, nouveau Virgile) en qui il est facile de reconnaître Ronsard, un "je" qui occupe plus de vers (un quatrain et presque tout un tercet) mais oppose à l'activité à la fois variée et valorisée du premier une solitude que seule la nature comble.
Le premier parle ("tu dis"), le second "regrette" obstinément, la répétion par trois fois à des moments différents des vers martelant l'idée de vide, la déploration du "manque" que signifie le mot. d'un côté, une parole active dans un contexte qui la stimule et lui donne sens (rappeler le contexte culturel de la Cour d'Henri II); de l'autre, une structure verbale, certes transitive (regretter quelque chose) mais qui s'exprime en creux, émettant une voix stérile, passive sous l'égide de l'adjectif "seul", placé tôt dans le quatrain comme la clé d'une partition de musique.
Un troisième type d'énonciation intervient à la fin du sonnet : on conserve la première personne mais celle-ci disparaît en tant que telle, masquée derrière la forme non personnelle du participe présent ("ne voyant") ou la forme "objet" du pronom ("me"), mystère d'une 1° personne qui ne se définit plus que par