Ennui_ecole_presse_Marianne
Faut-il faire la chasse à l’ennui? Est-il cette douleur qui rend les élèves semblables à des singes devant un western? Le défaut des remèdes envisagés, réforme des programmes, injections de pédagogisme, est qu’ils visent à supprimer l’ennui, pourtant nécessaire.
L’ennui est un état de désœuvrement, d’inactivité, où, péniblement, rien ne se présente qui semble capable d’exciter le désir. L’ennui est un enlisement psychique où, passivement, la pensée s’immobilise et le désir s’épuise. Sous cette forme, très commune, l’ennui est une sorte d’invasion de sa pensée par le vide, envahissement que nous imputons à un autre, personne ou chose. Forme d’ennui confortable puisque nous attribuons à un autre la responsabilité de l’ennui. C’est la faute du professeur si son cours est ennuyeux, la faute de l’œuvre d’art si je n’éprouve rien devant elle, la faute de l’activité elle-même si elle ne me paraît pas désirable. À ce titre, ils sont légions à se plaindre de l’ennui, puisque cette plainte est l’accusation d’autrui.
Mais cette forme met en cause celui qui s’ennuie. De cet envahissement de mon esprit par le vide, je suis en effet co-responsable: je n’ai rien à opposer à cette invasion. Comme l’angoisse, l’ennui est une expérience du néant. Dans l’angoisse, il y a trop d’excitations; à cet excès, l’esprit peut réagir par la sidération, l’échec à penser cette masse d’excitations, ou bien par la liquidation dans des conduites motrices inadaptées, comme la panique. Dans l’ennui, il n’y en a pas assez: je fais l’expérience d’un affaiblissement de mon désir. D’où une seconde forme de l’ennui: il est cette incapacité mienne de résister à l’invasion par le vide, de trouver des objets à désirer. L’ennui est un symptôme de la faiblesse de mon désir. Si cela s’ébruitait, gageons que les effectifs de ceux qui se plaignent de s’ennuyer, fondraient comme neige au soleil.
Dès lors, penser l’ennui, c’est penser le désir. S’efforcer de dissiper l’ennui, c’est