Hannah arendt
Arendt reconnaît à Marx d'avoir mis en évidence cette signification du travail comme « processus de fertilité vitale »14, mais elle s'oppose à son idée d'une révolution qui aurait pour tâche « d'émanciper l'homme, de le délivrer du travail »15. Non seulement, chercher à se libérer de la pénibilité du travail ne permet pas de se libérer effectivement de la nécessité vitale du travail, mais surtout cette quête d'abondance fait disparaître la différence entre le travail et l'œuvre, car alors : « l'on accélère tellement la cadence d'usure que la différence objective entre usage et consommation, entre la relative durabilité des objets d'usage et le va-et-vient rapide des biens de consommation, devient finalement insignifiante »16
La menace d'une telle société d'abondance, ou « spectre d'une vraie société de consommateurs »17, comme elle le dit en clin d'œil au célèbre incipit du Manifeste du Parti communiste de Marx et Engels, a selon Arendt pour origine le « fait que l’animal laborans a eu le droit d'occuper le domaine public et que cependant, tant qu'il en demeure propriétaire, il ne peut y avoir de vrai domaine public, mais seulement des activités privées étalées au grand jour. »18
Le modèle proposé par Hannah Arendt est plutôt celui de la sobriété, de la joie de vivre simplement : il faut accepter « de se charger du fardeau, des labeurs et des peines de la vie »19 car « le « bonheur », la « joie » du travail est la façon humaine de goûter la béatitude absolue d'être vivant [the sheer bliss of being alive] »14. Une telle attitude suppose de maintenir le travail dans le