Julia Kristeva
SÉMIOLOGIE
La sémiologie ou sémiotique (du grec σημε̃ιον, « signe ») tend aujourd'hui à se construire comme une science des significations. En tant que telle, et par conséquent, la sémiologie est la méthodologie des sciences qui traitent des systèmes signifiants, donc des « sciences humaines », puisqu'elle considère les pratiques socio-historiques qui font l'objet de ces sciences (le mythe, la religion, la littérature, etc.) comme des systèmes de signes. La sémiologie apparaît ainsi comme l'infrastructure des sciences humaines et dévoile par là même sa vulnérabilité. En effet, lorsqu'elle transforme les pratiques socio-historiques en systèmes signifiants, lorsqu'elle en dégage des formalismes, une syntaxe, des structures, la sémiotique laisse d'habitude en suspens la question des présupposés ou de l'idéologie qui autorisent l'emploi de cette formalisation et qui décident, en dernière instance, de sa validité ou de sa vérité. Et lorsque, dans ses développements plus récents, la sémiotique est amenée à s'interroger sur cette idéologie, elle s'attaque aux matrices mêmes qui permettent le processus de la connaissance : le signe, le sujet, sa position socio-historique. Elle rencontre alors la psychanalyse et le matérialisme historique, devient une des voies de leur pénétration dans les sciences humaines et propose son terrain pour l'approfondissement de la procédure analytique ou pour l'élaboration d'une logique dialectique matérialiste face à la complexité des pratiques sociales. Sans quitter, donc, le terrain du signe et du système, pour autant qu'elle reste une métalangue, une théorie scientifique, la sémiotique est amenée à se pratiquer comme une critique de sa démarche traditionnelle et fondamentale, c'est-à-dire à débloquer l'enclos du signe et du système pour rendre compte de la productioneffective, matérielle, corporelle, sociale et historique des pratiques signifiantes.
1. Le problème du signe, de l'Antiquité au XVIIIesiècle
• Les stoïciens