Kant, critique de la raison pure, commentaire de l’analytique transcendantale
Commençons par signaler qu’il y a deux conceptions fondamentales de la vérité : l’une que l’on pourrait appeler expressive et l’autre que l’on désignerait à juste titre par le nom de constructive.
La vérité a été définie traditionnellement adaequatio intellectus et rei. Mais, dans la doctrine traditionnelle, l’adaequatio est celle de la conformité de l’esprit ou, plus exactement de l’idée à une réalité préalable qu’il s’agit d’exprimer, de telle sorte que l’idée est toujours, selon l’expression de Brunschvicg un état second. A l’intérieur du schème précédent, on pourra d’ailleurs distinguer de nombreuses nuances. Dans une théorie du réalisme du monde extérieur, il s’agira pour l’esprit de donner une transcription exacte de ce monde considéré comme un monde de choses en soi dont l’esprit devrait fournir en quelque sorte une fidèle photographie. Dans une théorie du réalisme des essences, il s’agira de faire un inventaire de ces essences préalablement données. Dans une thèse empiriste, l’idée devra toujours avoir un prototype dans la sensation et ne pourra jamais être une invention absolue. Ainsi, comme nous le disons, plusieurs théories différentes peuvent s’installer au sein de la vérité expressive, mais une logique interne à laquelle elles ne sauraient se soustraire donnera nécessairement le primat à l’une d’entre elles. Il s’agit de savoir dans quel domaine l’affirmation peut être valable et constituer précisément une vérité quand on a fait de l’idée un état second ; or on voit que ce domaine est strictement limité au phénomène individuel et subjectif, au moment seul où il se présente, et sans qu’il soit possible de jamais aller au-delà. Nous en voyons bien la preuve dans le développement du doute cartésien, puisque ni le monde extérieur, c’est-à-dire l’univers du réalisme, ni les essences