La douleur et la souffrance
Entreprendre de distinguer la douleur et la souffrance, c’est interroger un objet parfaitement précis, la sensibilité, dont la nature est en effet intrinsèquement réflexive, puisqu’on n’est sensible qu’à être sensible à sa propre sensibilité, l’insensibilité consistant non pas à ne pas être affecté (il faudrait n’être pas réel) mais à ne pas être affecté par le fait d’être affecté. En quoi c’est bien de douleur et de souffrance qu’il doit aussi s’agir, puisque l’un et l’autre de ces termes désignent des façons d’être affectés. La simple notion de sensibilité, parce qu’elle est celle d’une réflexion, force donc à poser que là où nous avons mal, là où nous souffrons, nous sommes en même temps pris dans un redoublement : nous faisons l’épreuve de cette épreuve que constitue ici la douleur, et là la souffrance. Or cette épreuve est en même temps celle qu’un être ouvert aux choses qui peuvent l’affecter avec plus ou moins de bonheur, et celle d’un être ouvert à lui-même,