la grammaire
A) Définition de « autrui »
Pour étudier les rapports du sujet à autrui, nous prendrons appui sur la définition sartrienne : autrui, c’est « ce moi qui n’est pas moi et que je ne suis pas ». Autrui est donc un sujet, un « moi », mais c’est un moi distinct et différent de moi (un autre que moi). Il est à la fois mon semblable, et mon Autre. Nous verrons au cours de notre raisonnement qu’il peut être intéressant de « tordre » un peu cette définition de Sartre pour inclure dans le domaine de l’altérité tout ce qui, en moi, n’est pas « Moi » ; « l’Autre en moi » (qu’il vaut mieux désigner par cette formule, pour éviter les amalgames), c’est ce qui en moi excède les limites du « Moi ».
B) Autrui et moi
1) Autrui, support de la conscience
Pour Sartre, le rapport entre moi et autrui est d’abord un rapport de soi à soi, comme l’indique l’analyse du regard de l’autre. Regarder les autres de l’autre, ce n’est pas (sauf pour l’ophtalmologiste) regarder ses yeux, c’est le regarder « dans » les yeux. En d’autres termes, regarder autrui dans les yeux, ce n’est pas percevoir ses yeux, mais son regard ; et ce regard ne « court-circuite » pas seulement la perception des yeux, il évacue aussi la perception de tous les autres objets. Lorsque je regarde autrui dans les yeux, je ne « vois » plus rien d’autre. Mais alors qu’est-ce que je « vois » quand je regarde le regard de l’autre ? Un regard, ce n’est pas une « chose », un objet dont je pourrais étudier la taille ou la couleur. Pour Sartre, ce que je « vois » lorsque je regarde autrui qui me regarde, c’est que je suis vu. La perception du regard de l’autre est donc moins du registre de la perception, que de l’ordre de la conscience : face au regard d’autrui, je prends conscience d’être regardé. Ce à quoi me renvoie le regard d’autrui, c’est à moi-même : je suis vu.
Mais justement ; pour Sartre, en prenant conscience qu’autrui me voit, je ne reconnais pas seulement que je suis vu. Car autrui