La mort apparaît pour Montaigne comme étant la conséquence directe de la vie et la vraie sagesse doit ainsi conduire à l’acceptation de cette mort ; d’où cette fameuse formule, inspirée des sagesses antiques, qu’il reprend à son compte : « que philosopher c’est apprendre à mourir. » Ce qui sous-tend cette maxime, c’est l’idée que la philosophie serait à même de préparer l’individu à sa propre mort, qu’elle serait un remède contre l’angoisse quotidienne que suscite cette fatalité. Les circonstances de la mort, sinon la mort elle-même, sont imprévisibles, on ne sait jamais dans quelles conditions elle nous frappera. Vladimir Jankélévitch écrit à ce propos dans ses entretiens avec Béatrice Berlowitz (Quelque part dans l’inachevé) : « je sais que je mourrai, mais je ne peux répondre à aucune question circonstancielle ni faire fonctionner aucune des catégories aristotéliciennes de l’énonciation : ni la « manière », ni la « quantité », ni le « lieu »… ni surtout la « date », qui est la question fondamentale. » Nous savons tous que nous allons mourir, un jour, mais dès lors comment nous y préparer ? Peut-on seulement s’y préparer ? Peut-être devons nous dissocier la mort, l’instant, l’événement du verbe mourir, du processus. La question de la mort constitue comme un défi pour la philosophie et l’on peut légitimement se demander si elle constitue un objet pour la pensée. Car cette idée ne va pas de soi : Epicure déjà, dans sa Lettre à Ménécée, annonce que « la mort n’est rien pour nous » car « tant que nous existons, la mort n’est pas, et quand la mort est là nous ne sommes plus ». De même, Jankélévitch a souhaité, en écrivant son livre La mort, qu’il fût le dernier sur le sujet : il espérait secrètement mettre un terme à toute tentative de saisie de la mort par la philosophie. « Vouloir penser la mort est donc une folle entreprise condamnée à l’échec », écrit-il. Celle-ci n’offrirait aucune prise à la méditation, il n’y aurait rien à penser en elle. Il s’agit donc de