La politique comme métier
Rémi LEFEBVRE
Professeur de sciences politiques à l’université de Reims, chercheur au CERAPS (LILLE 2)
La notion de métier politique a longtemps été taboue dans le champ politique. Bien établie en science politique, le personnel politique la rejetait au nom du mythe de l’amateurisme républicain et de l’idéologie professionnelle du sacerdoce et du désintéressement qui fonde l’« engagement » des représentants. Les ambiguïtés et les pudeurs autour de la question récurrente du statut de l’élu témoignent encore de ces résistances. Mais le déni apparaît de moins en moins tenable tant est forte l’évidence que la politique est une affaire de professionnels monopolisant les fonctions électives et les compétences légitimes -y compris dans l’esprit des profanes qui ont intériorisé la division des rôles politiques comme une nécessité fonctionnelle. Les hommes politiques assument ainsi de plus en plus, avec ou sans cynisme, ce qu’ils sont c'est-à-dire des professionnels de la politique vivant de et pour la politique, pour reprendre la célèbre définition de Max Weber, y consacrant l’essentiel de leur temps et de leur énergie, poursuivant une carrière et partageant des intérêts collectifs propres par-delà leurs divergences affichées. La politique se donne à voir de plus en plus explicitement pour ce qu’elle est devenue, un champ autonome, replié sur ses jeux et enjeux propres, imperméables à de nouveaux entrants surtout lorsqu’ils cherchent à en subvertir les règles et les profils sociaux légitimes.
Dans le contexte dit de « la crise de la représentation » et dans une société qui valorise la « compétence » comme forme naturalisée de légitimité, la classe politique a trouvé dans la revendication d’une certaine technicité de son activité un attribut de son utilité sociale. La « complexité » croissante des problèmes publics (poids des logiques financières, mondialisation…) justifie encore, si besoin, que la politique ne