La responsabilité démocratique face à la menace totalitaire
« Je pense donc que l'espèce d'oppression dont les peuples démocratiques sont menacés ne ressemblera à rien de ce qui l'a précédée dans le monde, nos contemporains ne sauraient en trouver l'image dans leurs souvenirs […]; les anciens mots de despotisme et de tyrannie ne conviennent point ».
C'est ainsi qu'Alexis de Tocqueville décrit sur un ton annonciateur ce qu'il conçoit être le plus grand péril de la démocratie et qui prendra corps au XXe siècle sous l'appellation de totalitarismes. Si dans son pressentiment, Tocqueville relie si étroitement ces deux types de régimes, il est légitime de s'intéresser sur la nature de ces liens et de déterminer le degré de responsabilité de la démocratie à l'égard des excès totalitaires.
La responsabilité structurelle des démocraties dans la mise en place des régimes totalitaires
a) Universalité de l'appropriation du pouvoir Certaines analyses cherchant à expliquer les causes de l'installation du régime totalitaire nazi n'hésitent pas à blâmer directement la démocratie. Bertrand de Jouvenel pousse la corrélation au point de qualifier la démocratie même de « totalitaire » (dans le sens où elle contient les germes du totalitarisme). En effet, pour le politologue français la démocratie se fourvoie de son rôle principal de protection des libertés de ses citoyens en favorisant l'espoir de chacun d'accéder au pouvoir par l'universalité de son système plutôt que de se prémunir contre l'arbitraire étatique.
b) Le pont de la confiance Pour le sociologue Piotr Sztompka la condition sine qua non à l'instauration d'un régime démocratique est la préexistence d'une « culture de confiance », la démocratie devant alors par la suite renforcer cette culture et la développer. En revanche, Sztompka n'exclut pas le fait qu'une insatisfaction citoyenne quant aux attentes démocratiques ne serve de germe à l'éclosion de l'enfant malade de la démocratie, c'est-à-dire le