La société est-elle fondée sur le travail ?
Pendant longtemps, le travail a représenté une valeur. Aujourd'hui, l'ambiguïté de l'adjectif « laborieux » met en évidence une certaine ambivalence par rapport au travail : à la fois nécessaire pour survivre dans le monde social, il est dans le même temps moins bien considéré que l'aisance du génie ou de l'improvisation et l'on tente par tous les moyens de fuir l'effort qui lui est lié. Le travail étant une nécessité de la vie civile, quel rôle joue-t-il dans l'organisation sociale ? Une société n'est pas simplement une juxtaposition d'individus, un groupement effectué par instinct grégaire. Une société humaine suppose une vie sociale, c'est-à-dire une structure qui tienne ensemble les hommes et coordonne leurs différentes actions pour les rendre cohérentes. De plus, la vie, quand elle est humaine, ne vise pas seulement la simple reproduction de soi (c'est le propre de la vie simplement animale) : une vie humaine suppose une conscience de cette humanité, une reconnaissance mutuelle et enfin des valeurs qui l'orientent. L'homme ne vit pas pour vivre, il vit en fonction de ce qui confère à ses yeux un sens et une valeur à sa vie. Il est le seul animal à pouvoir renoncer à la vie au nom de valeurs qui la rendent digne d'être vécue. Sur quoi se fonde alors la vie sociale ?
Qu'est-ce qui tient ensemble les sociétés humaines dans la mesure où l'homme est un être libre, qui a conscience de son individualité et de l'opposition de ses intérêts à ceux des autres. Peut-on penser que seule la recherche de l'intérêt individuel à travers la collaboration et la complémentarité des tâches soude la vie sociale ? Schopenhauer comparaît la vie sociale ainsi conçue à un groupe de porcs-épics qui ses rapprochent puis s'éloignent car leurs intérêts les rapprochent des autres dont ils ont besoin mais les en séparent aussi car les autres sont de dangereux concurrents. Les hommes ne sont-ils ensemble que parce qu'ils sont