Le chêne et le roseau de la fontaine
Le Chêne un jour dit au Roseau :
"Vous avez bien sujet d'accuser la Nature ;
Un Roitelet pour vous est un pesant fardeau.
Le moindre vent, qui d'aventure
Fait rider la face de l'eau,
Vous oblige à baisser la tête :
Cependant que mon front, au Caucase pareil,
Non content d'arrêter les rayons du soleil,
Brave l'effort de la tempête.
Tout vous est Aquilon, tout me semble Zéphyr.
Encor si vous naissiez à l'abri du feuillage
Dont je couvre le voisinage,
Vous n'auriez pas tant à souffrir :
Je vous défendrais de l'orage ;
Mais vous naissez le plus souvent
Sur les humides bords des Royaumes du vent.
La nature envers vous me semble bien injuste.
- Votre compassion, lui répondit l'Arbuste,
Part d'un bon naturel ; mais quittez ce souci.
Les vents me sont moins qu'à vous redoutables.
Je plie, et ne romps pas. Vous avez jusqu'ici
Contre leurs coups épouvantables
Résisté sans courber le dos ;
Mais attendons la fin. "Comme il disait ces mots,
4Du bout de l'horizon accourt avec furie
Le plus terrible des enfants
Que le Nord eût portés jusque-là dans ses flancs.
L'Arbre tient bon ; le Roseau plie.
Le vent redouble ses efforts,
Et fait si bien qu'il déracine
Celui de qui la tête au Ciel était voisine
Et dont les pieds touchaient à l'Empire des Morts.
Contexte
La Fontaine, au XVIIème, critique à travers ses fables les abus de la société. Il a été maître de Eaux et Forêts -, et cela lui permet, avec une facilité étonnante, de personnifier les animaux et végétaux en vue pour créer ses apologues. La morale constitue l’un des piliers de ses fables, même implicite.
Cette fable vient figure dans le 1er livre.
La Fontaine nous entretient ici d'une fable à morale implicite.
Le Chêne et le Roseau figurent deux personnages opposés, le fort face au faible.
Mais ici, La Fontaine renverse les rôles.
3 axes d'étude :
La parole du chêne,
- La parole du roseau,
- La morale.
Axe 1 : La parole du Chêne