Le dialogue entre orou et l’aumônier
La place de ce dialogue au sein de la structure du Supplément au Voyage de Bougainville
Paradoxalement, le Supplément de Diderot commence par le départ et les adieux (chapitre II) avant d’effectuer un retour en arrière.
Or le discours du vieillard vient d’affirmer l’entrée de l’utopie tahitienne dans l’Histoire, c’est-à-dire sa dégradation et sa mort. Ce texte se termine d’ailleurs sur le silence généralisé de toute l’île de Tahiti : p 151 « A peine eut-il achevé, que la foule des habitants disparut ; un vaste silence régna dans toute l’étendu de l’île ».
La parole tahitienne qui va ressurgir au chapitre III n’est donc plus une parole historique. C’est une parole mythique, celle du mythe du bon sauvage. Alors que la parole du vieillard est ancrée dans l’Histoire, celle d’Orou est hors du temps. Il décrit Tahiti comme une société dont les lois définies sont immuables. Cette opposition se marque également au niveau lexical : au « Pleurez, malheureux Tahitiens, pleurez » du vieillard s’oppose le champ lexical du bonheur propre à l’utopie décrite par Orou.
Cohérence du discours d’Orou ?
Le discours philosophique de Diderot se conçoit, dans l’esprit des Lumières, comme une éducation du lecteur à la réflexion. Il ne s’agit pas d’affirmer et de construire une théorie ou un modèle social, mais de conduire le lecteur à remettre en cause le fonctionnement de la société européenne.
Grâce aux dialogues, Diderot retrouve de façon implicite la maïeutique socratique. Le texte du Supplément doit faire débat entre les lecteurs comme entre A et B.
C’est la raison pour laquelle la cohérence des discours n’est pas recherchée. Il n’y a pas de système de vérité chez Diderot. Le discours du vieillard et celui d’Orou ne coïncident pas, et celui d’Orou lui-même est contradictoire.
La liberté sexuelle des Tahitiens n’est-elle pas elle-même fort réglementée : p 163 « Oter sa chaîne, relever son voile, est une faute qui se commet