L'étude des fondements du pouvoir étatique, dans le cadre du droit public, impose une mise en garde préalable. On pourrait s'attendre, en effet, à rencontrer sous cet intitulé des développements sur l'origine de l'Etat ou une analyse des raisons qui expliquent l'existence du pouvoir politique (c'est ainsi qu'on présente souvent le pouvoir comme « fondé » sur les besoins de relations pacifiques entre les individus). Or, ces questions ne relèvent pas des disciplines juridiques, mais de l'histoire ou de l'anthropologie, voire de la philosophie politique. Tout le monde sait, par exemple, que Marx et Engels ont émis des hypothèses sur l'origine de l'Etat et son évolution : l'Etat serait lié à la division de la société en classes ; son apparition répondrait au besoin de la classe dominante de disposer, à un moment de l’histoire, de certains moyens de coercition envers la classe ouvrière ; il serait appelé à disparaître avec l'avènement de la société sans classes annoncée par ces auteurs. L'étudiant cultivé ne peut évidemment ignorer de telles doctrines, et certains juristes s'en servent même comme d'une grille d'analyse des formes d'exercice du pouvoir politique (par ex. Michel Miaille, dans L'Etat du droit). Cependant, ainsi que nous l'avons déjà dit, l'ambition du juriste n'est pas de donner de l'Etat et de son fonctionnement un explication totale, mais seulement d'exposer la part qu'y occupe le Droit. C'est donc seulement dans la mesure où les hypothèses sur l'origine de l'Etat, ou les discours sur sa raison d’être, ont des incidences sur son organisation qu'elles ont une place dans la science du Droit constitutionnel telle qu'elle est ici conçue. C'est-à-dire, en fait, si ces hypothèses s'intègrent à une théorie visant à justifier une organisation juridique particulière, ou à peser sur cette organisation. Dans cette perspective, l'étude des fondements du pouvoir conduit à privilégier deux thèmes omniprésents dans la réflexion constitutionnaliste : la souveraineté et