Dissertation Longtemps membre d’une société d’élite culturelle proche des grands seigneurs et du monarque, souvent alors conseiller du roi, tel Ronsard, l’écrivain a perdu, après la Révolution française, de son pouvoir spirituel et de son audience politique. Il a en revanche gagné en liberté, en autonomie : il ne dépend plus des privilèges et des rentes accordées par la noblesse. Deux voies opposées, en conséquence, se sont progressivement ouvertes devant lui : l’engagement par ses textes dans la société de son temps ou bien le retrait dans sa tour d’ivoire de créateur. Contemporain de Jean-Paul Sartre, théoricien de l’engagement, le romancier Henri de Montherlant semble prôner, au contraire, un certain détachement de l’écrivain vis-à-vis de la société de son temps quand il écrit : « Il ne faut pas qu’un écrivain s’intéresse trop à son époque, sous peine de faire des œuvres qui n’intéressent que son époque. » Il ne s’agit pas de prêcher l’absolue indifférence de l’auteur esthète pour les contingences politiques et sociales puisque Montherlant prend soin de nuancer son propos par l’emploi de l’adverbe « trop ». Pourtant, une telle déclaration, même tempérée, ne laisse pas de poser problème par sa relative imprécision. On peut en effet se demander de quelle manière l’écrivain peut réaliser cet exercice d’équilibre périlleux entre l’engagement véritable dans le monde et le retrait total dans sa solitude créatrice. Sans doute n’est-il pas facile de tenir une position intermédiaire de cet ordre. Il est vrai que, pour rester un artiste, l’écrivain ne doit pas se réduire à un homme politique ou à un journaliste. Mais, comme tout homme, il ne peut jamais échapper totalement à son époque, ni se retrancher dans une indifférence complète à son égard. Aussi lui faut-il peut-être devenir, à équidistance de l’acteur combattif et du spectateur impassible, la véritable conscience de son temps.
L’écrivain est d’abord un artiste : il ne peut se confondre avec l’homme