« Le ministre de l’information a prononcé, avant-hier, un discours que nous approuvons dans son entier. Mais il est un point sur lequel il nous faut revenir parce qu’il n’est pas si commun qu’un ministre tienne à son pays le langage d’une morale virile et lui rappelle les devoirs nécessaires. M.Teitgen a démontré cette mécanique de la concession qui a conduit tant de Français de la faiblesse à la trahison. Chaque concession faite à l’ennemi et à l’esprit de facilité en entraînait une autre. Celle-ci n’était pas plus grave que la première, mais les deux, bout à bout, formaient une lâcheté. Deux lâchetés réunis faisaient le déshonneur. C’est en effet le drame de ce pays. Et s’il est difficile à régler,c’est qu’il engage toute la conscience humaine. Car il pose un problème qui a le tranchant du oui ou du non. La France vivait sur une sagesse usée qui expliquait aux jeunes générations que la vie était ainsi faite qu’il fallait savoir faire des concessions, que l’enthousiasme n’avait qu’un temps, et que dans un monde où les malins avaient forcément raison, il fallait essayer de ne pas avoir tort. Nous en étions là. Et quand les hommes de notre génération sursautaient devant l’injustice, on les persuadait que cela leur passerait.Ainsi, de proche en proche, la morale de la facilité et du désabusement s’est propagée. Qu’on juge de l’effet que put faire dans ce climat la voix découragée et chevrotante qui demandait à la France de se replier sur elle-même. On gagne toujours en s’adressant à ce qui est le plus facile à l’homme, et qui est le goût du repos. Le goût de l’honneur, lui, ne va pas sans une terrible exigence envers soi-même et envers les autres. Cela est fatiguant, bien sûr. Et un certain nombre de Français étaient fatigués d’avance en 1940. Ils ne l’étaient pas tous. On s’est étonné que beaucoup d’hommes entrés dans la résistance ne fussent pas des patriotes de profession. C’est d’abord que le patriotisme n’est pas une profession. Et qu’il est