Mythologie, religion et poésie :
On ne peut guère supposer que les hommes aussi sensibles que les anciens eussent manqué d’yeux pour voir la nature et de talent pour la peindre si quelque cause puissante ne les avait aveuglés. Or cette cause était la mythologie, qui a longtemps peuplé l’univers d’élégants fantômes. Il a fallu que le Christianisme vienne chasser ce peule de faunes, de satyres et de nymphes, pour rendre aux grottes leurs silences et aux forêts leurs rêveries. Il y a dans l’homme un instinct qui le met en rapport avec les scènes de la nature, ce qui l’oblige à chercher une cause à chaque phénomène. Qui n’a passé des heures entières assis, sur le rivage d’un fleuve, à voir s’écouler les ondes ! Qui ne s’est plu, au bord de la mer à regarder blanchir l’écueil éloigné ! Il faut plaindre les anciens, qui n’avaient trouvé dans l’Océan que le palais de Neptune et la grotte de ce Dieu marin qui avait la faculté de changer de forme, Protée; il était dur de ne voir que des aventures des tritons et des néréides dans cette immensité des mers, qui semble nous donner une mesure confuse de la grandeur de notre âme, dans cette immensité qui fait naître en nous un vague désir de quitter la vie pour embrasser la nature et nous confondre avec son auteur qu’est Dieu. C’est cet aspect de l’élévation, voire de l’identification au créateur que l’on rencontre fréquemment chez Gérard de Nerval.
Pour lui, la poésie est pleine de mythologie. La mythologie est une religion antique qu’il faut déchiffrer, ce qui lui donne un caractère symboliste. Le Nerval Des Chimères est quasiment illisible pour les contemporains, sa poésie est qualifiée comme étant celle d’un fou, écrite sous l’emprise du délire. Dans plusieurs des poèmes Des Chimères il expose sa théomanie, où le rapport à la mythologie est abondant.
Si Nerval fait revivre des mythes profondément enracinés dans un inconscient collectif, c’est pourtant un homme de son siècle, un individu qu’il choisit et qu’il façonne.