Psychologie évolutionniste et sciences sociales
Nicolas Baumard
Introduction
Les phénomènes sociaux et culturels sont intrinsèquement liés aux phénomènes psychologiques. Les organisations sociales comme la transmission des croyances religieuses s’appuient en permanence sur des dispositifs psychologiques : émotions, intuitions, mémoire, etc. La psychologie évolutionniste consiste à étudier ces dispositifs psychologiques dans la perspective de l’évolution de l’espèce humaine. Pour la psychologie évolutionniste, ces dispositifs appartiennent à la nature humaine. Ils sont en partie le produit de la sélection naturelle : notre esprit, nos émotions, nos valeurs sont le résultat d’une adaptation de plusieurs millions d’années à l’environnement physique, social et culturel dans lequel ont vécu nos ancêtres. Etudier l’esprit de manière évolutionniste, c’est donc chercher à déterminer la ou les fonctions qu’ont rempli ces dispositifs au cours de l’évolution ou autrement dit la raison pour laquelle ces dispositifs ont survécu d’une génération à l’autre: pourquoi éprouvons-nous de la honte ? pourquoi sommes-nous moraux ? Dans ce chapitre, nous allons voir comment l’étude évolutionniste de la psychologie humaine peut éclairer les phénomènes sociaux et culturels. Il est important de noter qu’à la différence de la sociobiologie, la psychologie évolutionniste ne cherche pas à se substituer aux sciences sociales. La psychologie évolutionniste est une théorie de la psychologie, et non des sciences sociales. Notre but dans ce chapitre est de montrer que comprendre la psychologie humaine de manière évolutionniste constitue un outil pour construire des théories et décrire des phénomènes empiriques en sciences sociales. Ce chapitre est divisé en deux parties, qui correspondent grosso modo aux deux types de relations que les sciences sociales entretiennent à la psychologie. Dans la première partie, nous nous intéresserons au modèle du choix rationnel principalement