Rousseau, incipit des confessions
Livre premier (1712-1728)
Dans ce texte d’introduction à la fois bref et puissant, il est possible de distinguer deux problématiques :
1. L’homme et son projet.
2. Rousseau face à Dieu et aux hommes.
1. L’homme et son projet.
Le premier mot du texte est : « Je », sujet d’un verbe d’action au présent (« je forme »), immédiatement relayé, dans la phrase suivante, par : « Je veux », verbe volitif. D’emblée, Rousseau présente son projet de manière positive, affirmative (« je forme ») ; au contraire, les deux subordonnées relatives, au passé et au futur, sont négatives : « qui n’eut jamais d’exemple et dont l’exécution n’aura point d’imitateur », ce qui donne à son affirmation un caractère à la fois restrictif et exclusif. En effet, Rousseau insiste sur la nouveauté, l’originalité des Confessions, mais l’affirmation catégorique ne doit pas masquer que Saint Augustin et Montaigne l’avaient précédé dans des entreprises assez proches ; en outre, il s’est sans doute trompé en pensant qu’il ne serait pas imité : bien au contraire, il a donné naissance à un genre, l’autobiographie, qui fait encore fureur, de nos jours ! (v. exemples dans le cours).
Le projet est précisé dès la deuxième phrase : « Je veux montrer à me semblables un homme dans toute la vérité de la nature ». Ce « je » est celui du créateur, celui qui pétrit son projet de sa propre main ; il vise au dévoilement, à la transparence (« montrer » l.2, « vérité » l.2). Il prétend à « la » vérité, c’est-à-dire à la vérité absolue. On note un léger glissement si on compare l’expression à celle de l’Avertissement du manuscrit de Genève : « Voici le seul portrait d’homme, peint exactement d’après nature et dans toute sa vérité » ; « sa » vérité (le possessif) était beaucoup plus restrictif que « la » vérité : c’était une vérité individuelle et subjective. Maintenant Rousseau a pour objectif une vérité universelle et totale. L’expression : « un homme dans toute la vérité