Soumission par l'autorité
Des expériences fondatrices de la psychologie, réalisées au début des années 1960, avaient révélé que de nombreux individus acceptent de torturer plutôt que de désobéir et de se rebeller contre l'autorité. Une récente émission de téléréalité le confirme.
Laurent Bègue, Jean-Léon Beauvois, Didier Courbet et Dominique Oberlé
D’abou Ghraib en Irak au massacre de My Lai au Vietnam, de la guerre d’Algérie aux horreurs de l’ex-Yougoslavie, les violences entre groupes sont universelles. Dans certains cas, on explique ces actes par la soumission des individus aux ordres d’une autorité et non par des tendances individuelles ou l’expression d’un fanatisme idéologique avéré. Par exemple, Paul Tibbets, pilote de l’Enola Gay qui a largué le 6 août 1945 la première bombe atomique sur la ville d’Hiroshima était un homme comme un autre et non un déséquilibré. C’était aussi le cas d’Adolf Eichman, organisateur de la solution finale de l’Allemagne hitlérienne.
Est-il possible que les circonstances puissent transformer une personne ordinaire en un agent de destruction ? En décrivant Eichman, directement responsable de l’organisation de l’extermination de millions de juifs, gitans, communistes et homosexuels, comme un individu « ordinaire » (c’est-à-dire manifestement dénué de toute marque de psychopathie, peu enclin au sadisme, et sans convictions idéologiques susceptibles d’expliquer l’extrémité de ses actes), la philosophe Hannah Arendt a proposé une définition de la destructivité humaine qui, après le traumatisme de la guerre et l’horreur de l’holocauste, a stimulé un intense débat philosophique et scientifique sur la responsabilité humaine. Selon elle (et d’autres chercheurs à sa suite), les tortionnaires nazis n’étaient peut-être pas des êtres à part. Divers tests utilisés par les psychologues ont montré qu’il était impossible de distinguer les anciens ss des autres personnes. Au point que la fiabilité des méthodes utilisées a été contestée.