Thomas et la question du mal
Thomas vient de montrer que la cause du mal peut parfois provenir du bien, mais seulement par accident, comme lorsque le feu, pour chauffer, produit des cendres. En revanche, le mal causé par un agent volontaire est le résultat d’un défaut de l’agent, qui, du point de vue de l’ordre de l’univers, doit être considéré comme une perfection, ce qui revient à dire que la cause du mal est un bien. La distinction entre les agents naturels et les agents volontaires est au fondement de sa théodicée, c’est-à-dire de sa justification de l’existence du mal.
D’après ce que nous avons dit, le mal qui consiste dans une déficience de l’action a toujours pour cause le défaut de l’agent. Or, en Dieu il n’y a aucun défaut mais une perfection souveraine, comme nous l’avons montré. Par conséquent, Dieu n’est pas responsable de l’action qui est causée par une déficience de l’agent
En revanche, le mal qui consiste dans la destruction de certaines choses se voit clairement dans le domaine de la nature comme dans celui de la volonté. Nous l’avons dit en effet : un agent qui, par son pouvoir, produit une certaine forme d’où résulte une corruption et un manque, cause, par son pouvoir, cette corruption et ce manque. Or, il est évident que la forme que Dieu se propose principalement dans les choses créées, c’est le bien de l’univers. Et l’ordre de l’univers requiert, comme nous l’avons dit, que certains êtres puissent défaillir et parfois défaillent. De telle sorte que Dieu, en causant le bien de l’ordre universel, cause aussi, par voie de conséquence et pour ainsi dire, par accident, la corruption de certains êtres, conformément à ces paroles de l’Ecriture (1 S 2, 6) : « C’est le Seigneur qui fait mourir et qui fait vivre.