Thérèse raquin : le naturalisme dans le mensonge
Soit une théorie — le naturalisme — et un récit fictif — Thérèse Raquin — mis en regard l'un de l'autre, quels rapports, inscrits dans la narration et les essais critiques de Zola, la vérité et le mensonge entretiennent-ils avec le sexe (identité ou désir) et la mort?
L'intrigue du roman, on s'en souvient, se résume à une cascade de crimes : l'adultère de Thérèse provoque le meurtre de Camille, son mari gênant, et finit par entraîner le suicide du couple des anciens amants devenus époux. Cette œuvre, qui semble présenter le contre-pied d'une nouvelle de Barbey d'Aurevilly, pourrait s'intituler « le malheur dans le crime » : l'alliance « légitime » de Laurent et de Thérèse est tout entière investie par la présence de Camille, dont le souvenir, sous forme de cadavre halluciné, de « pourriture humaine » ', ne cesse de hanter le couple au point de le tuer.
A l'accusation de « littérature putride » lancée par le critique Ferragus à la sortie de Thérèse Raquin en 1867 2, le jeune écrivain répliquait en affirmant : « La vérité, comme le feu, purifie tout » 3. Le romancier en effet a donné au fait divers sordide la forme d'une lutte à mort entre le mensonge et la vérité, où celle-ci finit par tout réduire en cendres. Plutôt que représentation de la réalité (« littérature putride »), Thérèse Raquin serait révélation de la réalité (« purification »), c'est-à-dire, dévoilement de l'imposture sous toutes ses formes : liaison clandestine, maquillage du meurtre en accident, mariage faussement heureux.
C'est Laurent qui, après avoir menti sous l'influence de son amante 4, révèle la vérité à madame Raquin, vieille femme paralytique, endeuillée depuis la mort de son fils Camille. Au sein du couple hypocrite, la duplicité semble donc être davantage associée à Thérèse qu'à Laurent. Néanmoins, par delà cette distinction sexuelle, la vérité-pureté n'est autre que la mort elle-même dont le porte-parole est un narrateur