Totale
Pendant plusieurs années, elle avait rêvé qu'un jour viendrait où la démocratie serait restaurée, que la justice serait faite sur les terribles atrocités et les crimes commis pendant le franquisme. Mais, après la mort de Franco, la droite et la « gauche » ont signé les « Pactes de Transition ». Par ceux-ci, on s’accordait pour faire silence sur les crimes du génocide franquiste et la destruction de leurs preuves, l'impunité pour les responsables et les collaborateurs et l’oubli des victimes. On était en 1977 et l’on venait de promulguer la Loi d'Amnistie qui donnait une assise légale à ces Pactes ignominieux.
Elle disait ces choses et d'autres en serrant les poings, les larmes coulaient une à une malgré la rage contenue et l'effort pour ne pas pleurer : c'était une expression d'impuissance. Ils avaient tué son compagnon, et à elle, ils lui avaient rasé la tête et obligée à avaler de l’huile de ricin au moyen d’un entonnoir enfoncé dans la bouche, par lequel ils déversaient la moitié d’une carafe. Beaucoup s’étouffaient dans leur propre vomi ensanglanté à cause des blessures provoquées par la « pose » de l'entonnoir. Ensuite, regroupée avec d'autres, la Garde Civile les ont obligées à marcher de village en village, en les exposant sur les places ; souillées par la diarrhée et la gastro-entérite provoquées par le ricin, déshydratées, affaiblies, les mouches leur collant à la peau, et aussi quelquefois dénudées en public pour que tous et toutes puissent rire et se moquer, et même leur jeter des pierres, avec la ferme intention de les détruire moralement et physiquement. Et attention à celui qui ne le ferait pas ! Ils étaient tous surveillés et l’on notait avec exactitude ceux qui ne les humiliaient pas avec suffisamment