Turner
« C'est seulement depuis Turner que nous avons du brouillard sur la Tamise. » En vous fondant sur des exemples littéraires et éventuellement picturaux vous discuterez la validité de cet aphorisme d'Oscar Wilde.
Météorologiquement parlant, il est plus que probable que le brouillard soit aussi vieux que la Tamise, et qu'il ait donc existé bien avant la naissance de William Turner. Doit on pour autant en conclure l'imbécillité d'Oscar Wilde? Météorologiquement parlant oui. Cependant, ce serait une erreur de limiter le propos de Wilde à la météorologie: un physicien de la vieille école aurait utilisé une forme impersonnelle, et non pas la seconde personne du pluriel. Cette différence entre « il y a » et « nous avons » est fondamentale, elle fait intervenir l'humain dans l'énoncé, elle introduit son regard, sa subjectivité. On comprend bien alors que la météo est loin des préoccupations de Wilde, mais que son affirmation choquante possède une tout autre portée: peu importe le brouillard, il n'est qu'une métonymie du Réel, et à la rigueur peu importe Turner, il n'est qu'une métonymie de l'Art. L'affirmation d'apparence provocatrice de Wilde porte plutôt sur le rapport de l'art au réel, et pose la question de savoir dans quelle mesure l'art peut modifier le réel, et quelle est l'essence, la nature du réel visé par l'art.
Pour répondre à ces questions, nous montrerons dans une première partie dans quelle mesure l'art et les artistes possèdent effectivement une influence concrète sur le réel de leur temps. Dans une seconde partie, nous prendrons le contre pied littéral, et verrons en quoi l'art est, ou est cantonné en dehors du réel contingent. Dans la troisième partie nous tenterons de montrer en quoi pour comprendre mieux la position de Wilde, il est nécessaire de reconsidérer la nature du réel concerné par l'art: un réel qui passe nécessairement par le psychisme du lecteur, et qui ainsi conçu peut être vraiment changé par l'art.
Quoi qu'il en