Lentement, il avait appris à la connaitre.
Il l’avait abordée avec méfiance et appréhension.
Elle l’avait laissé approcher, impassible, hautaine.
Condescendante.

Il ne l’avait pas trouvée belle.
Les années, les malheurs l’avaient marquée et le maquillage de façades ne parvenait pas à dissimuler les meurtrissures, les marques de violences subies.

Dès leur première rencontre, s’était imprimée en lui l’image d’une courtisane, pas encore vieille, plus vraiment jeune. Une courtisane, née des bas fonds, faubourienne qui était devenue favorite et qui, fastueuse et couverte d’ors, avait rayonné de toute sa puissance, déclenchant l’adulation de ses amants, la fierté de ceux qui la côtoyaient et la terreur de ses ennemis avant d’être trahie, délaissée et abandonnée.

En devinant son passé, il prenait pitié de son présent.
Non, vraiment, au début, il ne l’appréciait pas.

Et puis, peu à peu, il avait appris à la connaitre.
Avec art, elle s’était laissée découvrir, dévoilant ses charmes avec la parcimonie d’une professionnelle.
Il avait humé ses parfums de fleurs séchées et d’épices et son odeur intime, toujours présente de sel et de marée.
Il avait écouté ses cris de rage et de ses rires, ses pleurs et ses murmures nocturnes.
Il avait accepté de plonger en elle, se perdre en elle, de s’abandonner.
Il s’était laissé séduire.
A la fin, il avait accepté de la faire sienne, avec ses plaies et son passé.
Nedmor.

Il avait passé des jours à sillonner ses rues étroites et ses larges avenues, usant ses semelles sur les pavés de marbre et les sentes glaiseuses.

Il avait contemplé le palais forteresse, ses hautes tours où nichaient les choucas, sa façade aux subtiles sculptures noircies par les feux magiques des ennemis.

Il avait flâné dans le quartier des artisans, avait marchandé en hurlant pour couvrir le bruit des marteaux sur les enclumes.

Il avait trainé de longues heures sur le port, apprenant à pêcher à l’épervier auprès de vieux marins au