L’étude du début de Fin de Partie

Dans le théâtre classique, la première scène a pour fonction d'exposer l'obstacle qui s'immisce sur le chemin du sujet dans sa quête de l'objet ; de présenter les personnages, d'installer le ton de la pièce, tout en posant l'illusion théâtrale. Or, il n'y a rien de tel dans le début de Fin de partie, à la délimitation problématique puisqu'il s'agit d'une pièce sans acte ni scène. Comment Beckett parvient-il, malgré une « exposition qui défait les repères traditionnels », à enclencher l'engrenage des effets théâtraux et à susciter l'intérêt du spectateur ? En quoi cette exposition est-elle programmatique de l'ensemble de la pièce ?

I] Une exposition qui déjoue les attentes
Dans En attendant Godot, le titre pose et ouvre l'horizon d'attente des personnages. Ici, le titre et la première phrase sonnent d'emblée la fin de quelque chose qui n'a pas encore commencé. « Fini, c'est fini, ça va finir, ça va peut-être finir », déclame Clov. L'intrigue s'ouvre donc sur l'annonce d'une fin qui très vite s'avère plus hypothétique que révolue : l'intrigue s'immisce alors dans ce « peut-être ». Va-t-on ou non finir ? Ce qui est paradoxal pour un début ! A peine éclos, les personnages cherchent à disparaitre. Alors même que Clov vient de « lever » Hamm, en pliant le drap qui le recouvrait, celui-ci demande deux fois à être recouché : « Prépare-moi, je vais me coucher », ce que Clov refuse de faire : « Je ne peux pas te lever et te coucher toutes les cinq minutes ». Le début de la pièce frôle l'avortement précoce.
Qu'en est-il du temps, de l'espace et des personnages ? On nous dit que l'heure ne passe pas : elle est à la fois nulle et toujours la même. Mais quelle heure est-il ? Quand se situe la pièce ? On l'ignore. Le décor ne nous renseigne pas sur l'époque. La scène est occupée par des poubelles, un vieux drap, un fauteuil à roulettes et un tableau retourné, et jouxte une cuisine de « trois mètres sur trois mètres sur trois mètres ».