Dans ce « système », Rousseau apparaît tout à la fois comme un moraliste à l'antique, un réformateur social, un esprit très pratique et un métaphysicien sermonneur. Le livre IV, qui contient la Profession de foi du vicaire savoyard, renferme le principe de cette éducation : la religion naturelle. Contre les rationalistes relativistes (Montaigne, Helvétius) et les croyants qui font dépendre la morale d'une révélation surnaturelle (courant janséniste), Rousseau affirme l'existence de l'Être suprême. C'est retrouver là, après la médiation de l'éducation, le postulat « Tout est bien sortant des mains de l'Auteur des choses, tout dégénère entre les mains de l'homme » (non naturel). Devant l'« essence infinie de Dieu », l'homme doit se résigner au silence dans l'adoration : « Le plus digne usage de ma raison est de m'anéantir devant Toi. » Le déisme de Rousseau, fondé sur sa foi en la Providence, sur sa croyance en l'immortalité de l'âme, lui donne aussi la foi en son propre cœur : « Le culte essentiel est celui du cœur. » Ainsi, se conduire selon la nature, c'est se conduire selon la volonté divine : il faut obéir à sa conscience, « juge infaillible du bien et du mal » ; il faut rentrer en soi-même pour y découvrir ce « principe inné de justice et de vertu » : « Conscience ! Conscience ! Instinct divin, immortelle et céleste voix […]. » Cette religion naturelle et cette morale de la conscience peuvent se résumer en ces termes de Rousseau : Dieu nous a donné « la conscience pour aimer le bien, la raison pour le connaître, la liberté pour le choisir. » À cet idéal moral et éducatif correspond l'idéal politique du Contrat social. Le Contrat social n'est qu'un fragment, le seul qui reste, purement théorique et logique, du traité des Institutions politiques, auquel médita longtemps Rousseau. En ce sens, ce n'est pas une utopie, mais l'exposé rigoureux des nécessités théoriques de tout bon gouvernement, Rousseau ne prétendant pas donner un fondement historique à l'État,