L'etat des sou
par Daniel Tricot Conseiller à la Cour de cassation ; Doyent honoraire de la faculté de droit de Dijon
** * Une grande dame du droit, la Revue trimestrielle de droit civil, a récemment fêté ses quatre-vingt-dix ans en organisant un échange de vues sur « une institution controversée : la jurisprudence aujourd'hui ». (cette Revue 1992.337 à 361, avec les articles de Jean-Luc Aubert, Monique Bandrac, André Breton, Jean Carbonnier, Gérard Cornu, Michelle Gobert, François Terré, André Tunc et Frédéric Zenati). L'autorité de la Revue trimestrielle et le succès des recueils de jurisprudence, qu'ils soient nationaux ou régionaux, informatiques ou étrangers, invitent à relancer le débat tant il est vrai que, s'il n'y avait pas de jurisprudence, il n'y aurait ni revue, ni commentateurs (sauf les glossateurs) : doctrine et jurisprudence sont intimement liées. L'interrogation sur « la jurisprudence aujourd'hui » se dédouble : - qui fait la jurisprudence ? - la jurisprudence est-elle une source de droit ? Sans éluder ces deux questions classiques, nids de controverses séculaires, qu'il soit permis à un magistrat de la Cour suprême de présenter quelques réflexions en se souvenant de l'époque, encore récente, où il était avocat, et sans renier sa tradition d'universitaire. Le juge écoute, comprend et tranche : c'est sa fonction première, celle par laquelle il fait oeuvre de justice et assure la paix sociale. Toute décision judiciaire n'est cependant pas, par nature, destinée à faire jurisprudence. Il faut que s'en dégage une norme générale de conduite accueillie par une reconnaissance commune (V. Michelle Gobert, cette Revue préc. p. 345). Par delà le litige individuel, la règle qui soutient la solution est un précédent recherché par tous les conseils pour l'invoquer ou la combattre : la