Étiquetage social
Y-a-il cruauté à offrir la liberté de l’amour quand aimer signifie donner sa vie ? Si le Père connaissait la destinée de son Fils, la Croix est-elle une barbarie divine ? Car c’est Jésus, « c’est lui qui, aux jours de sa chair, ayant présenté, avec une violente clameur et des larmes, des implorations et des supplications à celui qui pouvait le sauver de la mort, et ayant exaucé en raison de sa piété, tout Fils qu’il était, apprit, de ce qu’il souffrit, l’obéissance » (He 5,8). Obéissance folle, folie de l’amour qui destitue toute morale, toute valeur et demeure le principal scandale de notre civilisation. Renversement du mensonge, erreur de vérité, vérité de l’erreur.
En effet, le seul principe éthique qui prévaudrait aujourd’hui est celui du consentement : il faut consentir à laisser l’Autre désirer. Même la douleur psychique et corporelle d’un viol serait peu par rapport à la violation du consentement de la victime. Etre propriétaire de soi, de son corps, voilà l’exigence absolue qui trouve en fait son fondement dans un refus d’être approprié à soi, un refus de recevoir son âme.
S’accueillir devient trop audacieux lorsqu’on ne peut plus accepter la gratuité de son existence. La plus haute gratuité de l’existence se situe au cœur de tout accueil : la prière ; puisqu’il n’y a rien de plus gratuit, de plus offert, donc de plus inutile que la prière. Cette inutilité effraie tant elle oblige à consentir à sa liberté. Elle met effectivement la priorité de l’amour sur toute chose, y compris le monde, et tout ce qu’il contient. Elle se destine pourtant au monde et tous ceux et celles qu’il contient.
Par la prière, chacun et chacune ouvre la dimension de la chair au Céleste, elle fait de la liberté l’expression d’une gratuité, l’expression d’une vérité. Cette vérité se déploie au moment où l’on abandonne toute liberté du consentement pour le consentement à la liberté. La liberté n’est pas alors qu’une ouverture sur le néant,