Art du reflet et de l'apparence (à travers les thèmes favoris de l'eau, du miroir, du masque, à partir desquels J. Rousset a proposé de reconnaître l'esthétique baroque), fondé sur un système d'antithèses, d'analogies et de symétries, le baroque est un art fortement structuré où les métaphores et les périphrases jouent le même rôle que les volutes et les spirales dans l'organisation des volumes architecturaux, tout en assurant par les ruptures de style la présence constante de l'imagination et de la surprise. Prônant la validité morale et artistique de l'artifice contre le naturel, le baroque, par cette valorisation du paraître et ce phénomène d'ostentation généralisée, fait de l'expression littéraire à la fois la représentation des apparences et la médiation permettant d'aller au-delà de ces dernières. Robert Garnier et Rotrou jouent ainsi des ambiguïtés du rôle et du masque : l'acteur va à la rencontre de lui-même à travers le drame d'un autre qu'il a d'abord cru incarner pour le jeu d'un moment. Qu'il s'agisse de l'acteur ou du héros, le baroque ne connaît que des êtres de métamorphose. Et le vertige du déguisement n'est que celui de la vérité : le théâtre espagnol du Siècle d'or atteste que, si la vie est un songe, le mirage est encore miroir, imago mundi. Le baroque finit ainsi par assimiler l'ostentation à une propédeutique de la perception et l'ornement à l'effacement même du masque (comme en témoignent les débats sur l'éloquence sacrée et les Dicerie sacre de Marino au début du XVIIe s.). Jouant sur l'évidence et l'autonomie du signe, la liberté du geste, l'aptitude à inventer la totalité d'une rhétorique, le baroque est ainsi la « littérature au superlatif », la littérature qui se saisit