Art poétique
Sachant maintenant ce que Verlaine rejette, nous sommes mieux à même de cerner sa propre conception de la poésie. Nous verrons qu'elle se caractérise par une triple exigence quant à l'utilisation du vers, à l'emploi des mots et au contenu de sa poésie. Ses recherches musicales et lexicales aboutissent à une écriture non plus descriptive mais suggestive, non plus objective mais impressionniste. ne place essentielle est accordée à la musique comme l'indique l'attaque du poème :
" De la musique avant toute chose " et la réitération de cette exigence au vers 29 :
" De la musique encore et toujours ! "
L'allusion à la " chanson grise " évoque la transcription musicale d'un état d'âme dont la tonalité est mal définie (" grise"), C'est le vers impair qui correspondra le mieux à cet idéal :
" Et pour cela préfère l'impair,
Plus vague et plus soluble dans l'air. " (v. 2-3)
On voit que Verlaine accorde au vers impair des qualités de légèreté, un caractère véritablement aérien (" Que ton vers soit la chose envolée ", v. 30). Il joint aussitôt l'exemple au précepte en utilisant le vers de 9 syllabes qu'il scande de façon très souple en 4/5 ou 3/6. Ainsi, l'élan du vers est rendu par le rythme 3/6 au vers 30 ;
" Que ton vers / soit la chose envolée. " 3. 6
Considérant le vers comme envol vers l'autre vers, Verlaine va souvent estomper l'arrêt sur la rime en faisant appel à l'enjambement :
" Oh ! la nuance seule fiance
Le rêve au rêve et la flûte au cor? "
(v. 15-16; cf. aussi v. 33-34)
Le poète repousse enfin tout ce qui " pèse ou qui pose " (v. 4). A la rime, il préfère le jeu des assonances caractéristique des chansons populaires ou le jeu des allitérations qui répartissent les échos phoniques dans tout le vers. Au vers 12, l'éclat des étoiles est suggéré par la présence de voyelles claires : " claires étoiles " ; au vers 3, la fluidité de l'impair est rendue par une allitération en liquides :
" Plus vague et