Tout d’abord, Bergson développe donc l’idée de l’obscurité dans laquelle se trouve, sans en être pour autant conscient, chaque individu face au monde réel. En effet, si nous pouvions avoir une perception juste et directe des objets qui nous entourent, « nous serions tous artistes » (l.5). Ainsi, pour Bergson, l’art nous révèle ce que nous ne voyons pas. Selon son hypothèse, si aucune barrière ne s’élevait entre l’homme et la réalité, chacun serait artiste : dès le début du texte, Bergson nous annonce donc que l’artiste est celui qui se rapproche le plus de la véritable nature du monde réel. Mais ceci ne s’applique pas uniquement à la réalité extérieure. Comme l’auteur le relève, « entre nous et notre conscience, un voile s’interpose » (l.19) également. C’est pourquoi cet épais voile qui nous sépare de la juste perception de la réalité s’applique également à nos propres états d’âmes, nos sentiments, notre conscience.

Ce texte de Bergson nous propose une définition de ce qu'est l'art ou plus précisément de la manière dont il est une appréhension du monde, une perception. La thèse de Bergson dans l’ensemble de ce texte est que l’art est une manière de voir directement le réel, ou presque sans le voile de l’intelligence pratique. L'art nous permet d'être face à face avec la réalité. L’artiste est alors un être à part, unique, qui voit les choses différemment que les autres, qui n’est pas soumis à la nécessité pratique. Il ne voit pas que l'intérêt des choses et l'utilité qu'il pourrait en tirer. Si nous ne sommes pas tous artistes au sens stricte, c’est que notre perception se créer en fonction de ce qui nous intéresse en premier lieu, c’est-à-dire ce qui peut nous être utile pleinement. C’est le rapport de chacun vis à vis du monde qui crée l’artiste. Ce dernier est celui qui ne voit pas chaque chose ou personne avec les yeux de l’intelligence pratique. Il ne cherche pas à se servir du monde mais simplement à le saisir, à le regarder pour sa simple beauté.