La fontaine aux licornes . de l'amitié
Devant la Fontaine aux Licornes de Montpellier[1] où les animaux héraldiques font disparaître par un mouvement gigantesque l’écu d’une famille dont ils doivent porter la gloire, je pense aux Essais de Montaigne, à son chapitre architectural sur l’amitié, là où devait se tenir le Discours sur la servitude volontaire de La Boétie, l’Ami.
Le chapitre commence par une évocation de « grotesques »[2] composant un cadre. Un cadre vide, car il n’y a pas de Discours, mais les Essais qui devaient le contenir.
Pourtant, d’une certaine manière, La Boétie causera beaucoup ; discourir ne peut pas s’arrêter, surtout quand il s’agit d’amitié ou de gloire. Restons-en à l’amitié ; pour la gloire (les Licornes) ce sera un autre chapitre, absent.
J’avance l’idée suivante : l’amitié ouvre quelque chose comme un vide en vibration, dont on ne connaît bien que l’écho accueilli par la cité, nous, occurrents.
Or le lien avec l’Ami (ici Montaigne-La Boétie) évoque Aristote et la philia, relation civique aussi vite remarquée qu’oubliée par les juristes ou politistes. Pourtant qui comprend la Politique et l’Ethique à Nicomaque voit s’installer la relation d’amitié aux fondations de toute cité[3]. Mais ceux qui se réclament indéfiniment de ces textes ne bâtissent pas sur cette base. Le politiste sourira devant le mot philia, le juriste restera embarrassé par les cas qui se présentent à lui (plus souvent en droit privé qu’en libertés publiques), sans repères dans le quasi complet silence des textes. Je précise ce qui va suivre : 1) les « grotesques », Montaigne et La Boétie, 2) misères des occurrences en droit et politique, l’onde du vide dans ces matières devenues peu amicales, 3) une livraison des éditions Payot en philosophie politique, édition critique du Discours sur la servitude volontaire sur laquelle je m’attarderai pour saluer une attitude « rococo » d’auteurs à la mode