Le langage et le sentiment
LE LANGAGE ET LES SENTIMENTS
Deux positions opposées : Bergson et Sartre.
Point de départ de l’analyse : nous éprouvons tous des sentiments, mais souffrons parfois de ne pas pouvoir les exprimer, comme si le langage était limité, insuffisant, trop pauvre.
Remarque : cette annexe examine l’expression des sentiments, et non celle de la pensée.
Premier moment de l’analyse.
Texte n°1
BERGSON
« Chacun de nous a sa manière d’aimer et de haïr, et cet amour, cette haine, reflète sa personnalité tout entière. Cependant le langage désigne ces états par les mêmes mots chez tous les hommes ; aussi n’a-t-il pu fixer que l’aspect objectif et impersonnel de l’amour, de la haine, et des mille sentiments qui agitent l’âme. Nous jugeons du talent d’un romancier à la puissance avec laquelle il tire du domaine public, où le langage les avait ainsi fait descendre, des sentiments et des idées auxquels il essaie de rendre, par une multiplicité de détails qui se juxtaposent, leur primitive et vivant individualité. Mais de même qu’on pourra intercaler indéfiniment des points entre deux positions d’un mobile sans jamais combler l’espace parcouru, ainsi, par cela seul que nous parlons, par cela seul que nous associons des idées les unes aux autres et que ces idées se juxtaposent au lieu de se pénétrer, nous échouons à traduire entièrement ce que notre âme ressent. La pensée demeure incommensurable avec le langage. »
Essai sur les données immédiates de la conscience, 1888
Quel est donc, d’après Bergson, l’effet de l’expression d’un état d’âme par le langage ?
Bergson pense que le langage est un mauvais instrument d’expression des sentiments. Il existe une différence de nature entre les deux domaines, le langage ne pouvant qu’être infidèle aux sentiments. Un sentiment, par exemple l’amour, est particulier, individuel, original, il a une « coloration » unique (puisque c’est notre sentiment) ; en revanche le