Le Malheur du désir selon Platon
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Copyright P. van den Bosch – Flammarion 1997
Le Malheur du désir selon Platon
Nous allons tenter de réfuter la conception commune, à peu près universellement répandue dans les esprits de nos contemporains, selon laquelle le bonheur s'obtient par la satisfaction de tous nos désirs. Bien que nous ayons vu que cette idée menait logiquement à l'immoralisme des sophistes, ce n'est pas immédiatement par le biais de l'affirmation des interdits moraux que nous procéderons, car il nous faudrait pour cela récuser la déconstruction opérée par les sophistes et donner un nouveau fondement, d'une solidité sans conteste, aux valeurs morales, ce qui est une rude tâche, peut-être excessive pour nos modestes forces intellectuelles. Nous agirons à l'exemple de Platon, et en nous aidant de son enseignement, en portant l'attaque sur le plan même où se situent les sophistes, la conquête du bonheur.
1 - Le désir procède du manque (selon Le Banquet de Platon)
Les Grecs de l'antiquité pensaient déjà comme nos contemporains qu'il est bon de désirer, que le désir est une belle et bonne chose. Ils disaient, dans leur langage fleuri, qu'Eros, le dieu du désir et de l'amour, est le plus beau des dieux. Nous pouvons réfuter cela par une analyse simple due à Platon : on ne désire que ce que l'on n'a pas, et non pas ce que l'on possède déjà. Celui qui désire le bonheur ne l'a pas encore, sans quoi il ne le désirerait plus ; celui qui désire la richesse se sent trop pauvre ; celui qui désire être aimé ne l'est pas pour lors ; celui qui désire manger est en manque de calories, etc. Il n'y a donc désir en un être que parce qu'il y a manque, lacune, indigence en lui. Il y a quelque chose qui lui fait défaut, pour survivre ou pour se sentir bien, et que donc il désire.
Le désir, l'amour, l'eros, ne sont pas en eux-mêmes plénitude d'être, satisfaction, possession de la beauté ou du bonheur, mais tout le contraire. Il n'est donc